La ferme aquaponique autonome, mythe ou réalité ?

Une production aquaponique, même associée à une installation photovoltaïque pour son autonomie énergétique (sous réserve de stockage car besoin 24h/24), nécessite certains intrants indispensables à son fonctionnement. Qu’il s’agisse des aliments, de l’eau, des substrats, des graines/plants ou des moyens de lutte biologique, il vous sera très compliqué, pour ne pas dire impossible, de tout produire vous-même (article sur la production de l’aliment).

Or, l’énergie est avec l’humain et l’aliment l’une des principales charges d’un système aquaponique. Alors pourquoi ne pas utiliser du photovoltaïque pour assurer sa production tout en réduisant ses coûts énergétiques ? Encore faut-il faire les bons choix…

Maraîchage photovoltaïque ?

Les serres photovoltaïques

Coupons court au mythe rapidement. Une serre photovoltaïque est munie de panneaux absorbant la lumière et laissant, de facto, une ombre derrière eux. Les végétaux, tirant profit de la photosynthèse, pâtissent inévitablement de ce manque de lumière, ce qui se traduit par une baisse de leur qualité et de leur rendement.

Certaines technologies visant à n’absorber qu’une partie de la lumière ou à ne renvoyer que les longueurs d’ondes d’intérêt se développent. Cependant, aucune d’entre elles n’est au point à ce jour et il paraît encore très compliqué pour un maraîcher de vivre de sa production sous ce type de serre.

Cultures indoor alimentées par photovoltaïque

Les productions indoor sont encore très à la mode en agriculture urbaine. Elles offrent une grande flexibilité dans le choix du site et facilitent la maitrise des paramètres de culture. Cependant, elles présentent le fâcheux inconvénient de nécessiter une supplémentation lumineuse.

Que cet éclairage soit généré par lampe à haute pression (de mercure ou sodium), tube néon, ou LED, il s’agira probablement d’une aberration écologique voire économique :

• Les panneaux photovoltaïques sont conçus pour convertir directement la lumière en électricité à un taux de conversion de l’ordre de 15 à 22 % (source). Supposons que nous disposions de 1 000 W de lumière incidente sur une surface de 1 mètre carré de panneaux photovoltaïques. Si le taux de conversion est de 20 %, nous obtiendrions 200 W d’électricité utilisable.
• On estime que la plage de taux de conversion de l’électricité en lumière pour une LED est d’environ 50 à 60%. Cela signifie que si une LED consomme 100 W d’électricité, elle produira entre 50 et 60 W de lumière.
• S’ajoutent à ces pertes énergétiques le coût écologique de la fabrication, du transport et du recyclage de ce matériel.
• S’ajoute à ce coût écologique une réalité économique liée à l’investissement, l’entretien et le remplacement de ce matériel.

Quelle installation ?

Logiquement, les meilleurs endroits à couvrir par des panneaux photovoltaïques sont les zones ne valorisant pas la lumière, ou mieux… celles cherchant à l’éviter. Les zones d’élevage aquacole, les bureaux, les locaux du personnel, les laboratoires de transformation, etc. en font partie. Il est donc opportun d’opter pour l’installation d’un hangar photovoltaïque couvrant ces surfaces.

Cependant, bien qu’il s’agisse probablement d’une manœuvre rentable écologiquement elle ne le sera peut-être pas économiquement et plusieurs paramètres sont à considérer.

Avec batterie ?

L’indépendance énergétique de votre ferme grâce au photovoltaïque ne sera atteinte qu’à condition de recourir à un système de stockage de l’énergie (batterie dans la majorité des cas). Une ferme aquaponique nécessitant un approvisionnement électrique 24h/24 un tel dispositif est nécessaire pour s’affranchir du réseau électrique la nuit.

Cependant, l’investissement nécessaire à l’installation de batteries peut doubler le prix de l’infrastructure photovoltaïque, et selon les cas, entamer sérieusement la rentabilité du projet. C’est pourquoi il convient aussi de réfléchir à un projet sans batterie.

La mise en place de systèmes de stockage thermique pourra en parallèle compenser une partie du besoin en électricité au niveau de la régulation thermique de l’eau mais qui correspond généralement à moins de 20% des besoins électrique de la ferme, bien loin de ceux des pompes de recirculation.

Sans batterie

Dans une configuration sans batterie, plusieurs facteurs entrent en compte dans le calcul de rentabilité du projet :

• Le coût de l’infrastructure par rapport à une installation sans panneau,
• La part de l’énergie produite consommée,
• Le prix de l’énergie consommée sur le réseau,
• Le prix de revente de l’énergie produite.

Dans ce cas, il n’y a pas de bonne solution, chacune s’étudie selon ces derniers paramètres et les contrats négociés. De multiples offres existent sur le marché, proposant d’assumer plus ou moins l’investissement contre la propriété d’une part ou de l’intégralité de l’énergie produite.

Notons enfin que ces installations tendent à devenir de plus en plus rentables avec l’augmentation des coûts de l’électricité d’une part et la diminution des investissements nécessaires à l’installation de panneaux photovoltaïques d’autre part. Un apport de départ plus important vous permettra d’acquérir vos panneaux sans passer par une forme locative ce qui améliorera la rentabilité de votre projet d’autonomisation énergétique.

L’aquaponie photovoltaïque a donc de beaux jours devant elle mais ne résoudra pas à elle seule l’autonomie de votre ferme !

Assurez-vous un projet rentable économiquement ET écologiquement :